La question pourrait paraître saugrenue mais les évolutions récentes du moteur de recherche m’ont inspiré cette réflexion.
Soucieux d’amplifier une hégémonie dans le GAFAM, Google a pour habitude de modifier constamment son algorithme afin de dérouter sinon les référenceurs, parfois même les usagers pourtant avides de la pertinence rendue sur les requêtes. Un sujet que les référenceurs affectionnent.
Par ailleurs, Google avait lancé en 2011 son réseau social G+, près de 7 ans après Facebook, afin d’étoffer son offre fondée initialement sur le search.
Le géant américain n’avait jamais connu d’échec majeur dans la création de son empire et il était apparu logique que le leader du Web s’investisse dans les réseaux sociaux, avec à l’époque pour ceux qui s’en souviennent, un réel questionnement sur le positionnement de la firme. Et pour cause…
Les atermoiements sur les fonctionnalités
Lorsque vous trouvez une mayonnaise qui fonctionne, le plus dur est de changer d’approche. Les réseaux sociaux sont un vrai pavé dans la marre qui a bouleversé l’approche traditionnelle de la présence sur Internet. Et Google a mis du temps à l’allumage pour se lancer dans l’aventure. Entre temps, sa préoccupation majeure était d’asseoir son positionnement sur un domaine qui est depuis devenu une clef de voûte dans l’économie moderne, le search.
Le vrai problème de G+ fut jusqu’à présent son positionnement. Si le segment de marché est important (nombre d’inscrits), il ne l’est dû qu’à la position dominante du premier moteur de recherche sur d’autres fonctionnalités, comme Gmail ainsi qu’à la notoriété de la marque en elle-même.
Car qu’est-ce qui légitime plus l’usage de Google + en rapport à un autre réseau social (hormis pour les personnes qui font de la veille webmarketing ou qui souhaitent légitimement utiliser un site de Google pour produire du contenu ?), pas grand chose :
Les interactions entre les usagers sont faibles ou limitées autour de champs de contenu qui émettent moins le « live » d’un Twitter ou d’un Facebook dont la timeline avait d’ailleurs fait exploser à l’époque le nombre d’adhésions. Sur G+ c’est relativement statique.
Intégré d’abord à l’ensemble des autres fonctionnalités de Google, (Gmail et Hangout plus récemment), Google + a été progressivement séparé de l’ensemble qui faisait pourtant la force de communication de la firme. Un risque a priori calculé puisque récemment Olivier Duffez de Webrankinfo nous faisait état de la sortie d’un brevet d’algorithme dédié à Google+. Cette dernière nouvelle en dit long sur la jonction opérable dans l’algorithme du search ; on en doute à présent.
Dans tous les cas :
Je segmente mais je ne réunis plus.
Une volonté donc de trouver un positionnement à l’instar de Facebook mais pour peu que l’on y trouve un intérêt…
Et encore le fait de reprendre ce qui marche à droite et à gauche, comme les tableaux de Pinterest, montre bien aussi la confusion dans la stratégie des équipes de Mountain View.
Authorship, acte manqué, ou l’expression des paradoxes
Cette jonction que j’évoquais plus haut avec le search, c’est finalement ce qu’il pourrait manquer à Google dans un avenir proche.
Le positionnement des pages sur le search est si extraordinaire en comparaison des concurrents qu’il aurait semblé juste de trouver un moyen de faire évoluer les SERP (Search Engine Result Page ou page de résultats de recherche) vers d’autres formes de résultats.
A savoir, renforcer encore plus les usagers comme des acteurs, passer du sémantique à la sémantique +l’opinion des acteurs, une sorte de « pertinence partagée » comprenant la pertinence actuelle + la recommandation :
L’expérience des réseaux sociaux montre une évolution significative de la pertinence web, qui ne se traduit pas en une simple réponse anticipée à une requête
L’autorité d’un site ou d’un blog a du sens chez Google, qui n’hésite pas d’ailleurs à le mettre en avant au détriment de ses partenaires de toujours comme Wikipédia. Le moteur de recherche a fait un premier pas en montrant que les sources peuvent être multiples. Mais plus c’est que cela en fait, elles peuvent être recommandées par d’autres que Google. Franchement peuvent-ils l’accepter ?
Quid de Facebook ? Ah oui, Twitter, c’est un début, mais combien de temps passez-vous sur Twitter au regard d’un Facebook ?
Seulement voilà, accepter d’être contesté lorsque vous vous considérez comme incontestable, ce n’est pas possible. Pour Google on touche là un vrai problème que les metamoteurs comme Qwant ou DuckDuckgo ne connaissent pas vraiment encore. Il faut rentabiliser de nombreux produits développés par une longue histoire et trouver des accords avec l’ennemi héréditaire Facebook, qui a une carte à jouer, paraît impossible.
La suppression (partielle) des photos d’authorship est pour moi, et je maintiens ce que j’avais pu déclarer dans le blog de Facem Web à l’époque, le résultat d’un conflit d’intérêt économique pur. Oui, Google, dans l’idée de ne pas impacter ses marges, a préféré logiquement favoriser la visibilité de ses liens sponsorisés Adwords.
Et ce, au détriment d’un aspect que maîtrise a contrario plutôt bien les réseaux sociaux, la mise en avant du branding.
Qwant pour le citer met en avant des résultats issus de Twitter (vraiment) permettant la mise en avant d’individus s’exprimant sur le sujet :
Voici le rendu sur Google, la pertinence, certes, mais pas celle exprimée les individus, ceux qui recommandent ou affichent leur marque :
Tout juste retrouvons-nous les pages des comptes Facebook, Youtube et Twitter dans les derniers résultats non visibles ci-dessus. Sauf que ce qui est pertinent, c’est aussi (et même avant tout sur certaines intentions) ce que dit Binour ou Anaïs sur un sujet donné, a fortiori sur une marque !!
L’inévitable Knowledge graph sur lequel les spécialistes SEO vont s’échiner logiquement à travailler mais sur lequel nous ne retrouvons pas les recommandations attendues par des usagers rodés aux réseaux sociaux. Tout cela fait pâle figure pour développer la notoriété des marques.
Le style épuré va t-il toujours faire recette ?
C’est un peu une projection mais on peut légitimement se demander ce que doit devenir le moteur de recherche. Google a eu l’ingénieuse idée, dès le départ, de développer un moteur de recherche au style épuré permettant de centrer le plaisir de la requête des internautes.
C’est un modèle du genre sur lequel se sont calés les autres moteurs à l’exception de Yahoo.
Or, le vrai nouveau modèle standard du design appartient à ceux qui bénéficient de la meilleure audience : Facebook génère aujourd’hui plus de trafic vers les sites d’actualités que Google, c’est un lieu privilégié pour l’information, la notoriété des marques, et on y passe plus de temps comme l’ont très bien compris les développeurs du géant social ; le partage est un souci pour Google.
Le modèle est complètement différent dans son fonctionnement, comprenant des éléments qui ressemblent bien plus à un arbre de Noël ;).
Une charge d’information qui ne mérite qu’un meilleur Edge Rank ; l’algorithme de Facebook tend aujourd’hui à vous proposer le contenu que vous préférez… un pas de plus dans le sens de ce qu’à fait Google pour ses SERP.
Google et l’analogie de l’âne de Buridan
Socialiser ses résultats au risque de perdre de la rétention d’internautes ou créer un réseau social à part entière susceptible de concurrencer fonctionnellement ceux qui ont compris plus vite les interactions sociales du web, voilà le dilemme de la firme américaine.
Un dilemme que semble vouloir enfin résoudre les dirigeants de la firme en prenant l’option 2 : « un réseau social à part entière ». N’est-ce pas trop tard ?
Et si la résolution du paradoxe ne passait pas par une reprise du vrai « live » de Google, ses SERP ? Au prix d’une perte temps passé sur son site, Google n’obtiendrait-il pas en retour un avantage considérable, à savoir être la porte d’entrée assurée de toute l’information du Web ?
Mais est-ce dans l‘esprit d’Alphabet (nom de la holding) qui brasse tant de bénéfices ?
La différence de G+ c’est que l’information y est au centre du lien social, alors que sur FB les personnes arrivent avec leur réseau IRL… ça n’a pas beaucoup d’intérêt, les partages sont significativement pauvres : l’information ne circule pas, ne diffuse pas. Certes les marques peuvent y voir un intérêt, un peu comme la télé, mais les utilisateurs même actifs n’y sont pas vraiment présents. G+ a peut-être besoin de trouver une monetisation a ce qu’ils arrivent à modéliser, quelque chose de l’ordre de la mémétique, mais c’est plus dur que d’importee sur le web graph social hors-web comme le fait FB.